Et si nous faisions l’éloge des faillites?

Les faillites explosent. Entre 2022 et 2023, le nombre total de dossiers d’insolvabilité au Québec a augmenté d’environ 80%*. Un bond qui inquiète, mais est-ce vraiment anormal?
Les faillites : la norme?
Depuis toujours, les faillites font partie du paysage économique. Près du tiers des entreprises ferment dans leurs cinq premières années (BDC, 2023). Avec la normalisation post-pandémie, le rebond des faillites s’inscrit dans une dynamique attendue.
Si l’échec est inévitable, pourquoi ne pas le considérer comme un levier de réussite en affaires plutôt qu’un tabou?
L’entrepreneur, créateur de richesses
«C’est en grande partie des nouvelles entreprises que proviennent les innovations qui stimulent les progrès technologiques et économiques. Les petites entreprises sont à l’origine de pratiquement tous les emplois nets créés au pays.» – BDC, 2023
Les entrepreneurs créent, innovent et portent une part essentielle de l’économie, mais leur parcours est semé d’embûches : pénurie de main-d’œuvre, transmission générationnelle difficile des entreprises, remise en question des sacrifices imposés par l’entrepreneuriat. Beaucoup partent sans successeur, les jeunes préférant éviter des carrières jugées trop exigeantes.
Plusieurs partent à la retraite sans avoir de plan de retraite pour leur entreprise, sans avoir de reprise de la part d’entrepreneurs. Quand ce sont des familles en affaires, les jeunes générations ne veulent pas toujours reprendre le flambeau.
Nos entrepreneurs ont la vie dure, malgré leur importance. Mais plusieurs persévèrent.
L’enjeu du travail et de la santé mentale
Les faillites augmentent. Est-ce que cela cache un phénomène plus vaste? On rit un peu en disant que les entrepreneurs ou les cadres sont « fous » de se lancer là-dedans aujourd’hui. Mais ce n’est peut-être pas faux : les sacrifices sont grands, et le gain incertain. C’est la règle du jeu, semble-t-il.
En fait, le travail intensif, jadis glorifié, est de plus en plus critiqué. Peu de gens se voient encore faire cinquante ou soixante heures par semaine, sacrifier leur vie de famille, sacrifier leur santé pour un travail.

Nous sommes de plus en plus sensibilisés aux répercussions néfastes, parfois irréversibles, du stress excessif et du travail acharné. Plusieurs réalisent que se lancer dans l’aventure n’a jamais été aussi exigeant, éprouvant et risqué.
« Plus de 87 % des entrepreneurs sont confrontés à au moins un problème de santé mentale ». – Forbes, 2024
On parle ici de dépression, de burnout, d’anxiété, de troubles du sommeil.
Se lancer en affaires exige des sacrifices, oui. Certains s’y risquent encore, mais dans un contexte où les cadres et entrepreneurs sont moins nombreux, le modèle traditionnel doit évoluer pour des raisons de santé mentale entre autres.
Transformer l’échec en moteur de réussite
Face à toutes ces difficultés, face au monde changeant, les échecs vont continuer d’augmenter. Pourquoi donc ne pas voir ces échecs, ces faillites même, comme une opportunité de succès futur ?
Pierre Péladeau considérait qu’un bon entrepreneur devait faire faillite deux fois avant de réussir. Liliane Colpron (Première Moisson) a vendu trois entreprises avant de connaître le succès.
Les investisseurs eux-mêmes valorisent ceux qui ont connu des échecs, preuve d’expérience et de maturité. Dans une société où le succès est surexposé et l’échec occulté, il est temps de renverser la perspective.
Encourager l’échec pour mieux rebondir
Trop d’entreprises opèrent sans tolérance pour l’erreur, alors que l’apprentissage passe par l’expérimentation. Normaliser l’échec renforce cette capacité, la fait grandir. Et forge des individus plus résilients.
La résilience naît de la possibilité de rebondir, la possibilité de tenter, sans avoir peur de tomber. Si les entrepreneurs se sentent écrasés par la pression de réussir du premier coup, sans marge d’erreur, alors ils risquent de perdre leur créativité et leur audace.

Favoriser une culture de « fail fast » stimule l’innovation et la créativité. Les processus itératifs comme le lean permettent de minimiser les risques tout en affinant les stratégies (Asana, 2024).
Plutôt que de redouter l’échec, apprenons à en faire un outil de croissance. Valoriser uniquement la réussite fragilise l’écosystème entrepreneurial en décourageant ceux qui voudraient recommencer.
Pour une société plus résiliente
Les faillites signalent que certains n’ont pas réussi, mais cela ne signifie pas qu’ils ne réussiront jamais. Les entrepreneurs sont les forces vives de l’innovation. Leur donner les moyens de rebondir, c’est assurer l’avenir de nos économies et des vrais changements.
Envisager l’échec comme partie intégrante du parcours, c’est d’amener l’innovation à la portée de tous. C’est ça, aussi, développer sa résilience en tant que groupe, en tant qu’entreprise.
Voulons-nous d’une société qui ne valorise que la réussite? Ou sommes-nous prêts à accueillir les failles comme des tremplins, et non comme des pièges?
Plutôt qu’une société figée dans l’idéal du succès immédiat, cultivons une culture de résilience. L’échec n’est pas une impasse, mais un tremplin vers de nouvelles opportunités.
Comment rebondir face à l’échec?
Participez à l’atelier Booster la résilience : Grandir à travers les défis.
* L’augmentation du nombre total de dossiers d’insolvabilité (faillites et propositions combinées) au Québec est d’environ 81,7 % entre 2022 et la période de mai 2023 à mai 2024. Les données comparées ont été prises ici et ici.
Pour l’année 2022 : 1945 dossiers d’insolvabilité d’entreprises. De mai 2023 à mai 2024 : 3534 dossiers d’insolvabilité d’entreprises.
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