Pourquoi la vulnérabilité au travail reste-t-elle un tabou en entreprise?

On parle de plus en plus de santé mentale. Depuis la dernière décennie, la vulnérabilité au travail est de moins en moins un tabou sur la place publique. Mais en contexte d’entreprise, on a encore de la difficulté à en parler. Et pourquoi?
- Parce qu’on se dit que ça nous collerait des étiquettes avec nos supérieurs et nos collègues.
- Parce qu’on est mal à l’aise avec la psychologie, avec les outils, l’accompagnement, etc.
- Parce que ça nous gêne et qu’on a peur du jugement, tout simplement.
Et pourtant, la santé mentale, on est tous conscients que ça existe, et que c’est important. Alors pourquoi est-il encore tabou de montrer sa vulnérabilité en contexte d’entreprise?
Le tabou de la vulnérabilité au travail
Plusieurs facteurs expliquent ce malaise persistant.
D’une part, beaucoup sont plus ou moins familiers avec la psychologie et ses outils. Plusieurs n’en ont jamais fait l’expérience, et personne ne leur tient d’exemple dans leur entourage. Même si la plupart affrontent les mêmes difficultés au travail, souvent, personne n’en parle.
De plus, dans le monde du travail, le simple fait d’exposer sa vulnérabilité peut sembler impossible. Après tout, c’est un monde dans lequel on cherche à paraître en contrôle et à être au sommet de sa forme. On a l’impression que l’enjeu est là. On s’imagine qu’il faut être inébranlable. Là où la performance et l’efficacité priment, il semble ne rester aucune place pour la reconnaissance de notre fragilité humaine. C’est un monde dans lequel on s’imagine qu’il ne faut plus être humain.
C’est cette vision erronée, cette peur de l’inconnu qui crée un sentiment de gêne générale.
Plusieurs autres facteurs perpétuent le tabou.
- La stigmatisation et les préjugés.
- La culture de la performance et de la productivité
- Le manque de sensibilisation, d’outils
- La peur et l’appréhension
- Des défaillances organisationnelles
- Et finalement, peu de leaders qui parlent eux-mêmes

Parler de sa vulnérabilité et éveiller les consciences
Parler, c’est primordial. Il est possible de s’apaiser grandement juste en nommant ses émotions.
« Or, quand elles sont refoulées, les émotions peuvent s’intensifier et même prendre de nouvelles formes. » – acsm, 2021
On a tous probablement déjà vécu ce genre de situation difficile, dans laquelle par exemple une tension au travail nous a fait faire de l’insomnie, mais dans laquelle on a vu toute la tension s’envoler d’un coup lorsqu’on en a enfin parlé avec la personne concernée. Et peut-être que l’on s’est dit à ce moment : si j’avais su, j’en aurais parlé avant.
Il s’agit d’un constat important à faire. Il faut avoir un déclic. Se dire qu’après tout, ce n’est pas si grave d’en parler. Faire le premier pas et oser dire. Si on accepte d’être vulnérable, si on accepte d’être humain à nouveau, imparfait, mais pas moins compétent, on peut enclencher de sérieuses transformations en nous-mêmes et autour de nous.
L’acceptation de soi nous aide à prendre du recul, à voir plus clair.
Collectivement, l’acceptation de soi construit des ponts. À leur tour, les autres se sentent plus libres de partager leurs propres défis, et d’exposer leur propre vulnérabilité. On normalise le fait d’en parler. On fait lentement tomber le tabou.
Et ce nouveau bagage peut énormément aider à rebondir dans la vie. En tant qu’individu, mais aussi en tant qu’entreprise.
Gardons en tête que cette gêne, celle qui nous pousse à cacher qui nous sommes, elle est universelle. Nous savons tous, au fond, que la vulnérabilité fait partie de l’expérience humaine, qu’elle existe, et que c’est important de la reconnaître. Sans quoi, on finit par en souffrir. On peut même finir par s’écrouler, ou par faire souffrir les autres.

En parler, et briser les clichés
La culture classique d’entreprise suppose un environnement positif et performant, qui avance comme sur des roulettes, sans qu’aucun effort n’aille à être mobilisé.
On a tous facilement en tête cette vision cinématographique d’un bureau qui grouille comme une fourmilière, dans laquelle les employés, tout sourire, jonglent d’un dossier à l’autre dans le brouhaha des sonneries de téléphone.
Cette vision utopiste d’une entreprise, qu’on nous a rabâchée encore et encore, comporte des risques énormes.
« Il y a un paradigme de la productivité et de l’hyperperformance au travail qui comporte des coûts humains et sociaux extrêmement importants. Quand vous êtes vu comme un élément qui n’arrive pas à fournir au même rythme que vos pairs, qui rend-on coupable ? » – Mélanie Dufour-Poirier, professeure agrégée à l’École de relations industrielles de l’UdeM
Au-delà de cette image un peu clichée, il est possible de voir un mal plus grand, une problématique intimement incrustée dans nos sociétés. On normalise le travail acharné, mais pas le travail à la hauteur de nos capacités, on félicite et souligne le dépassement de soi, mais jamais le repos.
Bien sûr que nous pouvons être performants. Bien sûr que nous pouvons même aimer travailler beaucoup ! Il devient toutefois essentiel de savoir s’arrêter à côté. C’est en assumant pleinement la vulnérabilité de tous, en lui redonnant sa place, sa valeur, qu’il sera possible de favoriser l’émergence d’un environnement de travail bienveillant, équilibré, bien plus réaliste et surtout, plus humain.
Et finalement, agir
Il est possible de déconstruire les clichés en enclenchant certaines actions toutes simples, comme en parler autour de soi, briser le silence, tendre des perches. S’entourer de personnes qui comprennent, qui écoutent et qui partagent.
Développer l’ouverture sur un milieu de travail ne se fait pas en un jour, mais on constatera rapidement à quel point l’ouverture est contagieuse.
Et à mesure que l’on se dévoile, d’autres trouveront la force de faire de même!.
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